Out of the blue & Into the black

Une éternelle cavale. Herenui est arrivée il y a quelques mois à Grayson. Un sac à dos, des cigarettes, une guitare, quelques fantômes. Elle ne fuit personne en particulier. Elle ne sait pas trop. Le temps peut être. Le passé sûrement.



Herenui est née à Brooklyn. Pendant les six premières années de sa vie, elle a vu défiler des visages, des odeurs étranges, des cris, des propos incohérents, les morceaux des bouteilles brisées qui faisaient des mosaïques sur le sol, des monsieurs qui venaient voir sa maman. Sa mère qui disait toujours qu’elles allaient s’en sortir toutes les deux et qui pleurait parfois. Souvent.  Puis un jour, Maman l’avait laissée chez, Emma, la voisine, et elle lui avait dit : « Je reviendrais vite. Promis. ». Elle l’avait embrassée, elle avait pleuré, puis elle était partie pour toujours. C’était tellement cliché. On avait parlé de suicide. « Je suppose qu’elle ne supportait pas de ne pas savoir s’occuper correctement de sa fille. » avait dit Emma. & c’était tout. Elle était une enfant calme, trop calme disait-on. Herenui ne se plaignait pas. Après tout que pouvait-elle bien dire maintenant ?

En grandissant, Herenui se surpris à rêver de quelques paysages, l’Alaska, l’Europe peut être. Le défilement incessant des familles d’accueil différentes, des déménagements, des visages devenait oppressant. Elle finit par tomber sur un couple qui « se contenterait d’elle ». A 17 ans, elle tomba amoureuse. Il faisait de la guitare, c’était un peu le cliché du musicien bohême, il se baladait pieds nus, il sentait la liberté, l’instabilité & le tabac froid et il avait fini par partir lui aussi en lui laissant quelques notes égrenées, sa guitare, quelques mauvais vinyles. La musique aussi. Herenui se mit à gribouiller quelques mots sur quelques accords pour oublier. La musique était la seule chose qui lui faisait vraiment du bien.

Quelques mois plus tard, elle avait mis sa guitare dans un coin puis elle s’était inscrite à la fac pour faire plaisir à tout le monde, parce qu’après tout, ils « l’avaient accueillie bien gentiment». Elle avait donc enduré un peu plus d’un an de psycho, et d’autres cris. L’atmosphère devenait de plus en plus pesante, elle n’en faisait jamais assez, jamais assez bien, contrairement à tous les autres enfants de la famille. Un beau jour, elle avait pris ses affaires, sa guitare, laissé un mot. C’était elle qui partait cette fois.

Herenui avait laissé la route l’engloutir, les conneries aussi, les mauvaises rencontres surtout. Elle avait trouvé des petits boulots, des plans plus ou moins bons à droite à gauche. Puis un jour elle s’était posée au coin d’une rue & elle avait chanté du Bob Dylan. On lui avait offert de quoi s’acheter une bière & quelques sourires. & c’était suffisant.


Au bout de quatre années d’errance, Herenui est tombée sur Grayson par pur hasard il y a quelques mois, & elle pense y rester un petit moment. Enfin, elle ne sait pas trop, elle a tendance à fuir dés que ça devient trop compliqué. Ce patelin avait eu l’air… tranquille. Pas que la tranquillité soit vraiment son truc mais elle voudrait essayer de voir si elle est capable de se fixer quelque part.  Herenui a toujours son sac sous la main mais elle espère ne pas avoir à décamper de sitôt, peut être trouver une raison de ne pas le faire. Elle en a assez de courir.