02. Formulaire d'enquête

Joan Porter

Joan surveilla les faits et gestes du shérif, sans se manifester, acquiesçant quand elle l’estimait nécessaire, ne souhaitant pas le perturber dans ses raisonnements et compromettre sa réflexion. Il ne manquerait plus qu’on l’accuse de faire obstruction à l’enquête en cours ! Cette pensée lui donna envie de sourire et elle du se mordre l’intérieur de la bouche : ça n’était absolument pas le moment. Et si Hippolyte la soupçonnait de penser à son histoire avec Elizabeth, révélée au grand jour par sa propre fille à laquelle il avait choisi de s’intéresser, Joan risquait de subir les conséquences de la mauvaise humeur de son boss pendant un moment. Il n’était pas question que ça arrive.
Elle se joignit un petit moment à lui, éliminant quelques feuillets qui paraissaient en règle. De toute manière, si le shérif souhaitait repasser derrière elle, cela ne lui poserait aucun souci. Elle était secrétaire, pas détective… Même si ça lui aurait drôlement plus et qu’elle estimait en avoir l’étoffe. D’ailleurs, elle était plutôt flattée que le grand brun ne se soit pas contenté de la congédier pour tout examiner en personne. Cette affaire lui plaisait décidément beaucoup.
« Tu peux trouver celle du maire ? Les Donnelly parlent de lui. Il parle de quelqu’un en particulier, qu’il a vu ou non ? »
« Hmm… »
Les yeux de la brune parcoururent le document qu’elle venait de dégotter dans la pile, sa bouche tordue en une grimace méditative.
« T’as quelque chose ? »
« Il est arrivé sur place avec Alicia et les enfants vers 15h et ne signale rien de particulier. Il a été saluer tout le monde, comme à son habitude. Il précise juste qu’un des frères n’était pas au parc. En tout cas il ne l’a pas vu… Je crois que c’est Samuel qui a fait l’impasse sur notre événement » sourit-elle en désignant la petite pile Donnelly qu’Hippolyte a mise de côté. « A part ça… Je dois avouer que rien ne me saute aux yeux… Et j’ai beau me creuser la tête, je ne vois pas lequel d’entre nous aurait pu franchir le pas et commettre un acte pareil » soupira la standardiste, l’air abattue. « Tout le monde voit leur arrivée d’un mauvais œil, c’est un fait. Ca remue pas mal de choses et les graysoniens n’aiment pas qu’on se mêle de leurs affaires, mais je n’imagine aucun de nous faire quelque chose de ce genre ! Pourtant c’est bien un d’entre nous, non ? J’veux dire…le message sur leur mur est clair et exclu n’importe qui ne vivant pas à Grayson, n’est-ce pas ? » le questionna Joan, faisant comme si l’idée venait d’elle alors qu’elle avait simplement capté un échange à ce propos entre le shérif et son adjoint un peu plus tôt dans la journée. « Du coup je me suis dis qu’il y avait deux options… Soit c’est un acte non prémédité et le responsable fait partie de ceux qui ne sont pas venus témoigner, soit…soit c’est un acte prémédité et quelqu’un a fait appel à une tierce personne pour faire le sale boulot et avoir un alibi parfait ! Donc...au lieu de chercher qui a un trou dans son emploi du temps, il faudrait trouver qui n’en a pas et s’est assuré d’être visible du début à la fin? Mais si c’est le cas, à moins de trouver des preuves directes – et nous n’avons pas les moyens de mener l’enquête aussi facilement que LesExperts – je ne vois pas franchement comment on va s’y prendre pour résoudre cette affaire… » conclut-elle dans un nouveau soupir, en se laissant tomber sur le siège le plus proche, ce qu’elle ne se permettait pourtant jamais de faire. Mais Joan se sentait pratiquement comme une égale d’Hippolyte à cet instant.

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A + B

Je voulais que Joan m’aide, mais c’était pas encore ça. Je lui demandais de vérifier la fiche du maire, qui ne se révéla pas très utile. A part que l’un des Donnelly avait brillé par son absence pour … une fille. Ah bah comme quoi.
Joan ne sait pas vraiment qui aurait pu faire ça, il faut dire que si on saurait, on ne serait probablement pas là … J’écoutais ce que disait Joan, et malgré tout, il y avait quelque chose qui me gênait. Elle étala sa science pendant quelques minutes, alors que mon esprit commençait à tout réfuter. Je répondis à sa question, les sourcils froncés, parce que je n’aimais pas ce que j’allais dire : Pas forcément. Certes, c’est ce qu’on pourrait croire. Mais il y a également des personnes, qui sont nées ici et qui se sont installées dans les villes à côté, ou qui ont ici de la famille, des amis proches, des intérêts … Et qui n’avaient aucune raison d’assister au pique-nique. Et faut pas être diplômé d’Harvard pour écrire deux lettres … Je poursuivais par rapport à ce qu’avait dit Joan : Dans le cas d’un acte non prémédité, ça peut en effet être des jeunes qui ont trouvé drôle l’idée de les effrayer, et qui ont quand même pu assister à une bonne part du pique-nique, suffisamment pour mentir tous ensemble et combler le temps de leur absence. Mais … les deux auxquels je pense étaient sous les verrous ce jour-là. Enfin, si personne ne les avait libérés entre temps … Et si c’est une tierce personne, le complice peut en effet couvrir l’autre et avoir dit qu’ils ont assisté à tout le pique-nique. Mais le bureau de Gower n’aura pas les résultats que l’on attend avant un bon moment. Ils avaient récolté deux trois indices ou je ne sais quoi, et nous confirmeraient leurs résultats au plus vite … d’ici quelques semaines ou mois, donc.
Je repris la liste de Joan, alors qu’elle continuait à évincer des dépositions. Evan, de ce qu’il me semblait, c’était un jardinier très … producteur-consommateur. Je crois. Emily … Baby … Greta et Paul … mouais. Je n’en savais pas plus que ça sur eux, finalement. Hormis les bons potins qui nous arrivent de temps en temps. Herenui, c’était la gamine qui jouait au bar. Une étrangère, donc ça m’étonnerait que ça soit elle … Robert, et Lucas. Lucas aussi était un étranger. Je redonnais la liste à Joan : Il y a quelques habitants qui sont arrivés il y a peu sur cette liste, donc on peut comprendre qu’ils n’étaient pas à la fête, ou qu’ils n’auraient aucun intérêt à le faire … Mais ils ont pu être payés, peut-être. Paradoxalement. Tu peux me trouver d’autres infos sur eux ? Payer un étranger pour demander à d’autres de se barrer ? On a des petits drôles !

Joan Porter

Elle serra les dents et prit sur elle. Pas même un petit compliment, pas même un petit sourire encourageant… Quel connard ! Il venait de ruiner tous ses efforts en quelques réflexions. Evidemment, ce n’était pas vraiment sa faute, il avait simplement déjà du réfléchir à tout ça et repousser ces hypothèses lui-même il y a un moment, ou alors n’y avait pas pensé mais venait de le faire en quelques secondes, avec la force de l’habitude. N’empêche qu’il aurait au moins pu souligner l’effort qu’elle venait de produire. Mais c’était trop demander à Monsieur le Shérif Hyppolyte Hickok sans doute ! Nathaniel avait raison, ce type était d’une effarante condescendance…
Joan ne laissa rien paraître et continua de croiser le regard de son patron, sans ciller, pendant qu’il réfléchissait à tout ça. Il avait l’air accablé, le pauvre chou. On le serait à moins il faut dire… Entre sa fille qui criait sur tous les toits qu’il baisait l’épicière et trahissait la mémoire de sa défunte épouse (une blessure qu’il n’avait à priori jamais pu refermer), l’arrivée des Donnelly qui le plaçait dans une position délicate et maintenant cette affaire d’effraction chez leurs ennemis… A croire que le sort s’acharnait ! Mais sur qui au juste ?
« Il y a quelques habitants qui sont arrivés il y a peu sur cette liste, donc on peut comprendre qu’ils n’étaient pas à la fête, ou qu’ils n’auraient aucun intérêt à le faire … Mais ils ont pu être payés, peut-être. Paradoxalement. Tu peux me trouver d’autres infos sur eux ? »
« Oui, bien sûr. J’ai déjà commencé à me renseigner un peu » ajouta-t-elle ne se redressant un peu sur son siège, arborant une attitude un peu hautaine dont elle n’avait pas conscience. « Je ne suis pas du genre à trop m’appuyer sur les ragots mais c’est à peu près tout ce qu’on à l’heure actuelle… Alors je me lance :

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- Evan Davis : Il n’a pas été vu depuis plusieurs jours, certains disent qu’il a replongé dans ses addictions… En tout cas, il est injoignable depuis Noël. Oh et d’après la rumeur, il aurait eu une aventure avec Baby Stewart avant qu’elle reparte la première fois et se repointe avec Hunter à Grayson. Il pourrait avoir fait ça pour trouver un peu d’argent ou quelque chose comme ça, mais ça n’explique pas le message sur le mur…
- Emily Smith : Elle est malade et clouée au lit à ce qu’il paraît. Etrange, non ? Je crois surtout que Lance, son cher et tendre époux, a encore eu la main leste et qu’elle n’ose pas se présenter une fois de plus avec des lunettes noires sur le nez… Quelles raisons pourraient-elle avoir de s’en prendre aux Donnelly ? Oh bien sûr, si Lance lui avait demandé de le faire, elle s’en serait donnée à cœur joie mais… Je ne lui trouve aucun mobile. Il ne manque pas d’argent et les Donnelly ne lui font aucun tort.
- Baby Stewart : Elle est revenue vers la mi-décembre avec Hunter qui serait apparemment son demi-frère si j’ai bien tout compris. Elle n’est pas beaucoup sortie de chez lui, certains trouvent ça un peu étrange d’ailleurs… Les quelques fois où elle a été aperçue, elle avait des marques sur le visage et un plâtre… Du coup je l’imagine mal tout casser chez les Donnelly. Ceci dit, il paraît qu’elle fréquentait Evan alors ils pourraient avoir monté le coup à deux et écrit le message pour… Je ne sais pas.
- Greta et Paul Jackman : Ils ont autre chose à penser, il paraît qu’ils sont en instance de divorce… Je ne vois vraiment pas pourquoi ils auraient fait ça !
- Herenui Carlton : On ne sait pas grand chose de cette fille… Elle a débarqué ici il y a quelques temps, suite à une panne d’essence et n’est jamais repartie. Elle a eu un coup de cœur pour le coin…ou alors elle est trop fauchée pour repartir. Pour le moment en tout cas, elle loue une chambre dans la maison d’hôtes des Brooks, se rend utile sur place et travaille au drugstore. Elle chante de temps en temps au Susan’s Coffee. Peut-être qu’elle était là-bas ce jour-là. Ou peut-être qu’elle a vu une bonne opportunité de gagner de l’argent facilement.
- Robert Pinkman : Dans son cas, la chose va être vite réglée : il refuse de donner sa déposition tant que vous ne vous présenterez pas en personne jusqu’à chez lui pour l’obtenir, et en uniforme. C’est un vieux de la vieille, on ne le refera pas…et il vouait un véritable culte à Declan Spelling.
- Lucas Barns : C’était le voisin ou locataire d’Elizabeth, non ? Elle doit être plus au courant que moi à son propos et… Enfin… D’après ce que j’ai entendu, il a du mal à se faire à sa nouvelle vie à Grayson… Une histoire d’ex-fiancée. Mais je l’imagine mal faire une chose pareille ! …Ceci dit, il est injoignable depuis ce jour-là. J’ai entendu dire qu’il aurait quitté le village. A vérifier ! »

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Chemin détourné.

J’avançais dans cette enquête, sur un chemin dangereux. Joan était bien gentille, mais elle n’osait pas me contredire. Quant à Will … Dieu seul sait ce qu’il était en train de fabriquer. Du coup, je n’avais que mon avis. C’est à ça que servait un partenaire, principalement : à donner un autre avis. J’avais l’impression d’avancer à l’aveugle … surtout que je n’avais pas mon propre avis sur la question, n’étant pas là. J’essayais donc d’en comprendre le plus possible sur nos habitants, et leurs activités cette après-midi là. J’écoutais donc religieusement Joan, qui me fit le tour des potins relatifs aux noms de la liste. Ce qu’elle m’apprit sur Evan me fit légèrement tiquer. D’où est-ce qu’il connaissait Baby ? C’était un peu bizarre. Emily Smith, clouée au lit … Je ne voyais pas cette femme s’en prendre aux Donnelly non plus. Le truc, c’est que je ne voyais pas grand-monde s’en prendre à eux, je ne discernais pas le mobile du coupable, ou des coupables. Dans la catégorie fervent défenseur de la consanguinité Graysonnienne, je nommais sans hésiter ma joyeuse bande au courant du secret familial. Je les avais nommés prioritaires un peu vite, d’autres à Grayson, somme toute de parfaits citoyens, possédaient aussi de virulentes idées anti-étrangers. Comme rien n’avait été abîmé dans la maison, ou volé, l’argent ne semblait pas être le motif.
Baby ... Demi-sœur d’Hunter, marques, plâtre … Tout cela me semblait atrocement familier … J’avais noté des croix à côté de son nom, pour Hunter et Carter … Je trouvais bizarre qu’Hunter ne m’ait pas parlé de tout ça. Et je ne voyais pas pour quelle raison elle n’avait pas fait de déposition.
Greta et Paul en instance de divorce … youpi. Pour Herenui, je ne voyais pas l’étrangère faire quelque chose à d’autres étrangers. Sauf une bonne somme d’argent, peut-être, comme l’avait mentionné Joan. Les étrangers n’étaient pas de grands friands des dépositions … Pourtant, ça ne lui aurait rien coûté. Pinkman était un vieux de la vieille … Le genre qui garde sa maison avec son chien et son fusil sur son bon vieux rocking-chair. Je ne pense pas qu’il ait quelque chose qui lui soit reproché, néanmoins, j’irai le voir … quand j’aurai le temps. Quant à Barns, il aurait quitté la ville … depuis le jour de Noël. Ben voyons.
- Oh ? Parti … Faut croire que ce n’est pas la bonne personne qui est partie …

Quel était le problème de ces gens avec Noël, bon sang ?
Je repris la petite feuille et y notais les quelques informations que m’avait donné Joan dessus. Le fait qu’Evan et Baby aient un lien et n’aient pas fait de déposition était assez suspect … mais quel était leur motif, alors ? Je regardais les dernières dépositions, devant nous … le fils du Maire, la vieille Pietsky … Pour le coup, j’envisageais même le bon Dieu faire une farce. Hormis la haine de l’étranger, je ne voyais clairement pas quel était le motif, et si c’était ça, alors nous étions tous suspects …
Sous mes yeux, le couple Redd, le charmant couple Redd … Le fait que je ne les porte pas dans mon cœur était un fait, celui qu’ils soient coupable en est un autre … Lucinda se serait fait un plaisir de leur offrir une tarte empoisonnée, et/ou aurait déposé un chat noir mort et consciencieusement éventré sur leur perron … mais entrer chez les autres, il ne me semblait pas que ce soit leur délire … Ils préféraient faire leurs saloperies en face, histoire de se satisfaire de la colère / haine / dégoût de leur interlocuteur.
Je me penchais alors au-dessus de la poubelle et y ressortit la fiche de l’employé de Redd, accompagné de la feuille de Carter, que j’avais moi-même déposé dans cette poubelle. - Tu m’as dit que la demi-sœur d’Hunter était plâtrée … ? Mais en quoi ça l’empêchait de faire une déposition, surtout si Hunter en a fait une et qu’elle vit chez lui … Et dans laquelle il ne mentionne nulle part qu’elle est plâtrée. Mais il attend quelqu’un au début de l’après-midi. Ah … Hunter. Pour une fois qu’il n’était pas au poste … Faut quand même qu’il cherche les emmerdes. Si Baby et lui avaient disparu, alors je les soupçonnais d’être partis voir du côté de chez Helen. Les coups et le plâtre, surtout. Et Hunter avait toujours été un peu obsédé par sa mère … Bien que je ne voie pas en quoi ça le liait aux Donnelly …

Joan Porter

Non, clairement, les bonnes personnes n’étaient pas parties… Elle était d’accord pour dire que les Donnelly n’avaient pas leur place à Grayson. Aucun fouineur n’avait sa place dans leurs affaires. Le shérif aurait dû mieux mener sa barque, voilà ce que Joan Porter en pensait. S’il l’avait fait, alors peut-être que rien ne se serait produit durant l’après-midi de Noël. Maintenant, ils étaient semblait-il plus motivés que jamais à rester. Les vandaliser avait clairement été une erreur… Et quelqu’un allait devoir payer pour ça.

Hippolyte avait l’air à bout. Il avait d’autres chats à fouetter, la tête ailleurs, et ça se sentait. Un petit verre ne lui aurait pas fait de mal sans doute, mais avec ce genre de personne, un petit verre se transformait en une petite bouteille un peu trop facilement. Mieux valait ne pas tenter le diable, surtout en ce moment où tout commençait à partir à vau-l’eau. En revanche, peut-être devrait-il s’accorder un peu de repos…
« Tu m’as dit que la demi-sœur d’Hunter était plâtrée … ? Mais en quoi ça l’empêchait de faire une déposition, surtout si Hunter en a fait une et qu’elle vit chez lui … Et dans laquelle il ne mentionne nulle part qu’elle est plâtrée. Mais il attend quelqu’un au début de l’après-midi. Ah … Hunter. Pour une fois qu’il n’était pas au poste … »
« Je ne crois pas que ce soit son plâtre qui l’en empêche. Enfin Hunter m’a dit qu’elle ne se sentait pas très bien mais elle viendra certainement plus tard faire sa déposition. Enfin c’est ce que j’ai cru comprendre. Le plus simple serait d’appeler toi-même Pendleton, et de lui demander de quoi il retourne, non ? » lui fit-elle remarquer, avant de plisser le nez et de l’observer attentivement. « A moins que… Non, c’est idiot » pouffa-t-elle, avant de capter le regard du shérif, qui l’incitait à poursuivre tout de même. « Non vraiment c’est… Je veux dire, Hunter est un garçon tout sauf stable, ce n’est un secret personne. Il s’est déjà montré violent des tas de fois par le passé et quand il a un coup dans le nez… Mais de là à… Enfin je sais qu’il est très loyal envers Nathaniel et les Donnelly le blâme certainement pour ce qui est arrivé à leurs parents mais… Non, il n’aurait pas fait ça. »
Et si jamais ? Et si il s’était servi de Baby pour convaincre Evan d’agir à sa place, pour avoir un alibi ? Et si jamais Baby refusait de témoigner par peur de craquer et de tout avouer ? Et si jamais c’était Hunter lui-même qui l’avait mise dans cet état…
« Pas vrai ? »

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Piece of shit.

Hunter … Ou avec Carter, Baby, Evan peut-être … Mais putain, mais c’était quoi ce Noël ? Le réveil était douloureux, je ne vous le cache pas.
Summer, d’abord. Bon, certes, c’était un peu de ma faute, mais elle aurait pu réagir de manière différente, et ne pas en avertir, de cette manière, toute la ville. Du coup, Elizabeth devait supporter les remarques du village … Et donc, maintenant, c’était Hunter qui s’y mettait, en s’immisçant dans la maison, enfin, peut-être, des nouveaux arrivants de cette ville, qui sont arrivés suite à la perte de leurs parents …
Su-per.
Du moins, je n’avais pas fini ma réflexion à propos d’Hunter, qui impliquait d’autres personnes, mais je fus content quand Joan arriva à la même conclusion que moi. Je l’incitais d’un regard à finir ce que ses pensées avaient commencé … Elle prenait du poil de la bête, mine de rien, cette petite Joan.
A sa dernière question, je me tirais de mes pensées. Penser ici, maintenant. Pas au passé, pas au futur, pas à ailleurs.
- J’ai bien peur d’être arrivé aux mêmes conclusions que toi … Je vais aller voir ça … Comme ça, je pourrai peut-être voir Baby. Je passerai récupérer la déposition de Pinkman aussi. Mais … Il ne fallait pas se précipiter. Qu’est-ce qu’on avait ? Un quart d’heure, selon la déposition d’Hunter. Après, il attendait quelqu’un. Qui ? Attends … Un quart d’heure, pour quelqu’un comme Hunter, c’est largement suffisant : il lui suffisait d’apprendre à crocheter une serrure, ou quelqu’un l’a aidé dans cette démarche, de prendre cinq minutes pour un message de deux lettres … et il habitait juste à côté … Et ensuite, il revenait en deux secondes à la fête, en moto. En un quart d’heure, c’était largement faisable. On n’a toujours pas de mobile. Hunter n’est pas du genre à s’introduire chez les gens, il se bat avec eux les trois quart du temps. Et je peux pas aller le voir et lui demander s’il a commis ça, si je n’ai aucune preuve de sa culpabilité … Bon, c’est pas ça qui m’empêche de l’embarquer généralement … Mais ça, c’était différent. Et ça ne m’enchantait pas trop.

Joan Porter

La situation prenait une tournure des plus intéressante et Joan reçu la réponse du shérif Hickok avec délectation. Une délectation qu’elle eut bien du mal à dissimuler. Hunter était un ami d’Hippolyte, ou ce qui s’en rapprochait, et le soupçonner ne devait pas être facile à vivre pour lui. Il avait l’air très contrarié, déçu, las, et elle ne voulait pas qu’il se rende compte de son excitation. Elle préfère donc baisser les yeux et se mordre l’intérieur de la bouche, triturant ses doigts comme pour trahir sa gêne face à toute cette terrible situation.
« J’ai bien peur d’être arrivé aux mêmes conclusions que toi … Je vais aller voir ça … Comme ça, je pourrai peut-être voir Baby. Je passerai récupérer la déposition de Pinkman aussi. Mais… On n’a toujours pas de mobile. Hunter n’est pas du genre à s’introduire chez les gens, il se bat avec eux les trois quart du temps. »
« Peut-être qu’il en aura un à nous fournir... Ou peut-être qu’on fait totalement fausse route et qu’il nous fera passer pour deux imbéciles trop inventifs ! Cependant, je me dis qu’il vaudrait peut-être mieux le faire se déplacer lui-même. La situation est tendue en ce moment et si les gens te voient entrer chez lui, ils risquent de s’imaginer des choses. Tu sais que les rumeurs se propagent comme une trainée de poudre par ici et que les esprits s’échauffent vite… Et puis, pour être tout à fait honnête, Hippolyte, je te trouve une petite mine et je ne suis pas certaine que tu tires quoi que ce soit de bénéfiques à mettre le nez dehors en ce moment » ajouta-t-elle en retrouvant son air mal à l’aise, faisant référence aux embêtements qui pourraient découler de la révélation soudaine et bruyante de son aventure avec l’épicière. « En plus, imagine que nous ayons raison et qu’Hunter se montre…hostile pour une raison ou une autre ? Si tu débarques avec des renforts, ça va faire un tas d’histoires et… Non, vraiment, je pense qu’on devrait simplement l’appeler et lui demander s’il peut venir ici apporter quelques précisions à sa déposition actuelle. Selon ce qu’il nous dira, nous pourrons ou non convoquer sa sœur et aviser. Ca me rassurerait beaucoup… » résuma finalement la jeune femme, retenant son souffle et guettant l’approbation de son chef.
Approbation qu’il finit par lui donner. Elle soupira de soulagement et se redressa en vitesse, promettant de le tenir au courant.

Personne ne décrocha au domicile des Pendleton et, après avoir essayé de joindre en vain Hunter sur son portable, Joan téléphona à tout hasard au garage où il travaillait. Nathaniel lui répondit après deux sonneries et lui passa son mécanicien.
« Ouais ? »
« Hunter ? C’est Joan Porter à l’appareil. Dis, j’aurai besoin que tu viennes au bureau pour clarifier certains points de ta déposition… A propos de ce qui s’est passé chez les Donnelly. »
« Pourquoi ? »
« J’ai du mal prendre en notes certaines choses, il faudrait que tu passes. Hippolyte t’attend. »
« Quoi genre…là, tout de suite ? »
« Oui, si tu peux te libérer… »
Elle l’entendit poser une question à Monsieur Redd et quelques instants plus tard, non sans soupirer, le grand blond lui annonça qu’il faisait au plus vite.
Une fois le combiné raccroché, la brune alla prévenir le shérif de l’arrivée imminente du garagiste et retourna l’attendre à son poste, salivant d’avance à l’idée de ce qui allait possiblement suivre…

Hunter pénétra dans le bureau du shérif une petite demi-heure plus tard, les manches de sa combinaison nouée autour de sa taille, son manteau sur le dos et une casquette vissée sur son crâne blondin. Il vint s’appuyer au comptoir un instant, prenant la peine de lui adresser un sourire et de demander de ses nouvelles. Joan lui répondit par quelques sourires polis, avant de lui proposer de rejoindre le bureau d’Hickok.
Hunter tapota sur son bureau puis acquiesça et s’écarta pour aller frapper à la porte derrière laquelle l’attendait Hippolyte.
« Hey. Paraît qu’tu veux m’voir ? » lança-t-il simplement en s’avançant dans la pièce, sans prendre la peine de refermer la porte derrière lui…

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Start again.

Je soupirais, en rangeant la plupart des dépositions dans un classeur fin. Au moins, Joan appelait chez Hunter. Quand elle avait franchi la porte de mon bureau, une grande part de la tension qui m’occupait s’était évacuée. Pourvu que ce soit lui, pensais-je à moitié, comme ça, cette histoire serait vite réglée. J’avais les yeux probablement explosés, principalement dû au manque de sommeil ces deux derniers jours, accumulé à la pression que j’avais subi dans le même temps, à la fois du côté personnel et du côté professionnel. Mais personne ne comprenait ça, à Grayson. A Grayson, ta vie privée est par définition complètement publique, et c’est du devoir de chacun de s’incruster dans celle des autres.
Et les réflexions de Joan n’arrangeaient rien … L’envie de l’envoyer s’occuper de ses oignons m’avait pris, mais je savais que ce n’était pas la chose la plus avisée à faire … Mais elle se trompait pour une chose : si des renforts devaient être appelés chez Pendleton, alors ce serait peut-être pour m’arrêter moi, car écraser mes poings sur la figure d’un ami (et/ou du coupable qui m’avait fait avoir cette journée pourrie) me paraissait terriblement tentant pour évacuer toute cette journée.
… J’étais vraiment au bout, je devrais penser à simplement dormir, un de ces quatre.
Joan passa la tête dans l’encadrement de la porte un peu après, m’avertissant de la venue prochaine d’Hunter. Je n’avais même pas besoin de me déplacer ! Je pourrais en sauter de joie, mais j’étais vraiment trop fatigué pour ça. Espérons juste qu’il ne fasse pas de commentaires sur ma relation avec Elizabeth … je craignais de ne pas le supporter, venant de lui.

Une bonne vingtaine de minutes après que Joan m’ait annoncé sa venue, j’entendis la lourde voix d’Hunter résonner de l’autre côté de ma porte. J’avais eu plus que le temps de ranger tout mon bureau, ne laissant que sa déclaration et celle de Carter – on ne savait toujours pas si elle était impliquée ou non, mais dans le doute … - à ma portée. Un bloc, un crayon, mon fatras habituel, avec mon insigne au milieu, ma poubelle retournée sur le sol froid. J’aurais pu essayer d’être quelqu’un d’autre, mais tout ce que je pouvais réussir à faire, c’était la tronche du mec fatigué dont le visage reflète quinze ans de plus que son âge véritable.
- Ouais, tu peux refermer la porte, s’il te plait ? Mon extrême politesse me permettait juste de garder la tête froide. Je levais la tête dans sa direction quand il l’eut fait. Je savais que Joan l’avait invité à venir sous le motif de parler de sa déclaration … alors je commençais par tout à fait autre chose. Enfin, plus ou moins. J’ai appris que t’es parti avec ta demi-sœur et … elle est revenue avec des marques sur le visage et un plâtre … tu peux me dire quelque chose à ce sujet ? Cours, cours la rumeur …

« Hey. Paraît qu’tu veux m’voir ? »
Il a une sale gueule. Hunter n’en parlera pas parce qu’il n’aime pas tellement qu’on lui signale qu’il a la tronche de travers. Qui aime ça de toute manière ? Evidemment, il ne vit pas dans une grotte et a entendu parler de la relation entre le shérif et l’épicière de Grayson. Tout ce qu’il en pense, c’est qu’ils sont stupides de l’avoir caché, parce qu’il n’y a pas de mal à se faire du bien et qu’ils méritent autant l’un que l’autre d’être heureux… En même temps, il les félicite silencieusement d’avoir réussi à tenir ce secret aussi longtemps. Ca tient du putain de miracle dans un bled comme Grayson !
Hunter n’en veut même pas à son ami de lui avoir dissimulé l’information. Hippolyte ne s’est jamais mêlé de sa vie privée après tout et il ne voit pas pourquoi le shérif aurait des comptes à lui rendre. Ca lui aurait fait plaisir de le savoir bien sûr mais…peu importe. Et puis il a sans doute bien fait, parce que vu dans quels états il se met parfois, le secret ne le serait pas resté bien longtemps entre ses mains.
« Ouais, tu peux refermer la porte, s’il te plait ? »
Hunter s’exécute puis vient s’installer sur le siège en face de son ami, les sourcils légèrement froncés, dans l’attente de ce qui va suivre. Et ce qui suit ne lui plait pas tellement.
« J’ai appris que t’es parti avec ta demi-sœur et … elle est revenue avec des marques sur le visage et un plâtre … tu peux me dire quelque chose à ce sujet ? »
Hunter sert les dents et ravale sa bile. Pourquoi est-ce que le shérif lui parle de ça ? Qu’est-ce que ça a à voir avec l’affaire des Donnelly pour laquelle on l’a fait venir sur son temps de travail ?
Sauf que c’était peut-être juste un prétexte pour le faire se pointer ici sans faire d’histoire… Peut-être que le père de Baby s’est finalement décidé à porter plainte et a retrouvé la trace de sa gamine et de son agresseur…
« J’suis pas parti avec elle, j’suis parti pour aller la chercher. Elle avait des problèmes. C’est tout ce que t’as besoin de savoir sur le sujet de son visage, du mien et de son plâtre. Mais c’est pt’être toi qui a un truc à me dire là-dessus. Alors vas-y, crache le morceau » le défi-t-il en s’installant dans le fond de sa chaise, son regard azuré braqué dans les prunelles sombres du shérif. « J’ai des heures à rattraper. Nathaniel est coulant, mais y a des limites. »

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Entretien.

Ici.
Et maintenant.
Je sentais bien que ma question avait dérangé Hunter, et sa réponse ne m’apprit pas grand-chose. Il est parti pour aller la chercher et l’emmener loin des problèmes … Alors, forcément, j’imaginais Hunty sur une licorne blanche, allant sauver une damoiselle en détresse … Je ne sais pas pourquoi il crut que j’avais quelque chose d’autre à dire là-dessus … sûrement parce qu’il devait y avoir autre chose … Donc, j’allais rien cracher.
Juste un rire bref, sans joie. (On s’en fichait complètement de son patron et de son travail … Si je pouvais agacer Nathaniel par là-même, je le faisais volontiers, alors. ) - J’en sais rien, j’ai appris pour les coups et le plâtre il y a moins d’une heure. Et comme je ne me souviens pas d’une fois où tu avais un visage … parfaitement parfait, alors … t’es sûr qu’Helen n’a rien à voir là-dedans ? Parce que cette femme avait clairement bousillé la vie de notre cher Hunter ici présent … Et continuait de la détruire. Encore. Et encore. Inlassablement. Et parce qu’à chaque fois que je le voyais, je ne pouvais m’empêcher de voir sa mère.
Je me massais les tempes, essayant vainement de soulager un mal de tête qui se pointait. Je vidais ma tasse de café brûlant en une fois, alors que j’étais allé chercher ce même café juste avant qu’Hunter débarque. Il fallait que je tienne – et le sommeil était vraiment tentant. Donc, revenons à cette histoire … Tu dis que tu attendais quelqu’un, tu attendais qui, au juste, au début de la fête ? … Et pourquoi est-ce que tu l’attendais ?

Il crispe les mâchoires et ne cherche pas à cacher son mécontentement à son interlocuteur. Il a du mal à croire qu’Hippolyte lui fasse un coup pareil. Il SAIT ce qu’Helen lui a fait et SAIT qu’il déteste parler d’elle, peu importe les circonstances. D’ailleurs, les personnes qui osent le faire se comptent sur les doigts de la main, et doivent généralement compter leurs dents ensuite…
Mais à présent, il n’y a plus seulement Helen dans cette histoire, il y a aussi Baby. Et il n’aime pas que le shérif parle d’elle. Il n’aime pas la direction que prend cette conversation.
« Va t’faire foutre, Bob. Tu sais qu’cette histoire à tout à voir avec Helen. Et t’es un gros connard d’amener ça sur le tapis… » grogne-t-il entre ses dents, furieux et pas le moins du monde décidé à ménager cet enfoiré. S’il le cherche, il va le trouver.
Il n’entre pas plus dans le détail, continuant de penser que ça ne regarde que lui et Baby. Hunter lui a promit qu’il ne parlerait pas de ce qu’il s’est passé à Blackwell et de la manière dont son père la traitait. Il comprend qu’elle veuille garder ça secret… C’est trop intime. Il ne cherche même pas à tenter de la convaincre qu’elle n’a aucune raison d’avoir honte, que le monstre, c’était son père et pas elle, parce qu’il est passé par là. Lui aussi se sent fautif de ne pas avoir su tenir tête à Helen… De ne pas avoir su lui dire non et pire encore, de ne pas avoir su la retenir et la sauver d’elle-même.
Si Hippolyte veut des réponses, il faudra qu’il vienne les chercher. Sur un ring. Parce qu’Hunter ne lâchera rien.

Il doit le comprendre parce qu’il finit par aborder un autre sujet. Celui pour lequel il est censé l’avoir fait revenir.
« Donc, revenons à cette histoire … Tu dis que tu attendais quelqu’un, tu attendais qui, au juste, au début de la fête ? … Et pourquoi est-ce que tu l’attendais ? »
« Qu’est-ce que tu m’chantes ? » s’agace-t-il alors que le shérif désigne sa déposition et lui en relit un passage. « Mais… C’est Carter que j’attendais ! C’est elle que j’attendais au parc pour lui présenter ma sœur ! C'est ça que j'ai voulu dire ! …Putain tu m’as fais faire tout ce chemin pour ça ? Tu m’as cassé les couilles pour ça ? »
Voilà ce qui arrive quand on est comme lui, pas doué le moins du monde avec les mots… On se fait niquer par ces connards d’intellos.

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Ô Hunter, cher Hunter ...

Je connaissais l’histoire : avec Hunter, c’était très souvent la même. Peu importe le pourquoi ou le comment, on en retrouvait toujours la cause, la même, la seule, que dis-je, l’unique : Helen. Et alors, merde ? C’était supposé justifier son comportement à chaque fois ? L’arrivée de Baby avait dû tout retourner, tout briser, une nouvelle fois. Mais ça ne résolvait pas mon problème à l’ordre du jour, à savoir, l’infraction chez les Donnelly.
Lorsque je lui demandais qui il attendait, il répondit qu’il attendait Carter pour lui présenter sa sœur, enfin, sa demi-sœur, mais on s’en fiche. Mais c’était trop simple, le truc avec Carter. Trop simple, et à la fois, si compréhensible. Mais je ne voulais pas le croire – quel dommage, mais je voulais vraiment cette histoire réglée – donc je décidais de ne pas répondre à ses provocations, ni à rentrer dans son jeu … Bien que ce soit tentant pour mes nerfs.
Je pris tout mon temps pour chercher mon paquet de clopes, l’ignorant par la même occasion. Je savais qu’il était interdit de fumer, mais je savais aussi que personne ne me dirait rien. Je me déplaçais vers la fenêtre, que j’ouvrais en grand. On est le 27 décembre, et la température extérieure est pour le moins polaire. Mais à cet instant précis, ça apaisait mon corps – ou peut-être était-ce l’effet du tabac – donc j’en avais rien à faire. J’admirais les barreaux rouillés un instant avant de me tourner pour avoir Hunter dans mon champ de vision.
Je posais sur lui mon regard rien-que-pour-Hunter. Celui à la fois agacé, blasé (parce qu’Hunter restera Hunter quoi qu’il arrive) et qui demandait, par pitié, dis-moi pourquoi, pourquoi tu t’en es encore pris à un pauvre type qui passait par là. J’avais développé ce regard depuis des années, et je savais que le fait de me taire, et son manque légendaire de patience le feraient réagir. Je ne savais pas comment ça allait arriver, ni ce qu’il allait faire, mais on savait tous les deux que j’attendais autre chose de lui. Autre chose que les remarques qu’il m’avait servi et ce qu’il avait écrit dans son petit papier, rien que pour les beaux yeux de Joan. Ou ceux de Baby. Je tirais une longue latte sur ma cigarette. Je ne briserai pas le silence. Et lui n’avait pas intérêt à décoller ses fesses de sa chaise. Donc techniquement, on pouvait se regarder pendant des heures. Mais je pariais sur le fait que ça n’allait pas durer longtemps. Même s’il me demandait juste de fermer cette foutue fenêtre.

Cet enfoiré ne prend même pas la peine de lui répondre. Il se met à farfouiller après Hunter ne sait quoi, pendant que lui ronge son frein. Des clopes. L’enfoiré, il va fumer sa clope devant sa gueule… Le garagiste sait parfaitement à quoi joue le shérif. Ce sale traite est seul et endosse donc à la fois le rôle du gentil et du méchant flic. Il endosse le rôle du connard de flic pervers !
Hunter va vouloir fumer. En fait, rien qu’à voir apparaitre le paquet de clope, il ressent déjà le manque de nicotine… Pourtant il a fumé sur le trajet séparant le garage du bureau du shérif. S’il demande s’il peut en avoir une, il est prêt à parier qu’Hippolyte lui répondra un truc du genre : c’est donnant-donnant, file-moi un truc utile et j’te filerai une de mes clopes !
Mais qu’est-ce qu’il attend de lui au juste ? il sait rien de rien sur cette putain d’histoire ! Et puisque ce sale con cherche à le provoquer, même s’il savait un truc, très franchement, il garderait l’information pour lui…

Hunter est bien décidé à se murer dans un silence obstiné. Il croise même les bras sur sa poitrine et s’installe plus confortablement contre le dossier de la chaise, soutenant le regard du shérif qui cherche à jouer avec ses petits nerfs. Hippolyte le toisait en plus de toute sa hauteur maintenant qu’il se trouvait près de la fenêtre ouverte. S’il pensait le faire craquer avec un peu d’air frais et deux trois bouffées de cigarette, il se mettait le doigt dans l’œil jusqu’au coude !

Leur combat silencieux débute ainsi, mais ne dure pas bien longtemps. Parce qu’Hunter ne voit pas pourquoi il devrait perdre son temps de cette manière. Il n’a rien fait de mal ! Du moins pas aux Donnelly.
« Putain Hippolyte, arrête ton char ! Tu fais foutument chier, tu l’sais ça ? » craque-t-il, se fichant bien de s’adresser à un représentant de la loi dans l’exercice de ses fonctions. Qu’il lui passe les menottes pour ça si ça lui chante, ça ne sera pas la première et sans doute pas la dernière fois qu’il aura à le faire… « Qu’est-ce que tu veux que j’te dise ? Que j’ai menti et qu’en fait j’ai été foutre le bordel chez ces quatre connards pour le fun ? C’est pas l’cas, ok ? J’ai rien à voir là-dedans et j’ai entendu parlé de que dalle ! Et comme tu joues au trou du cul, même si j’savais quelque chose, j’te dirai rien. Toute façon, j’suis pas une balance » marmonne-t-il, bougon.
Et ce connard ne dit toujours rien. Il fume sa clope en lui servant ce regard "me la fait pas à moi Hunter" qui est absolument insupportable.

Et tout à coup, Hunter comprend. Ou du moins crois comprendre. Peut-être que c’est pas après lui qu’il en a… Peut-être qu’il attend effectivement qu’il balance un nom… Celui de sa demie-sœur très certainement.
« Baby a rien fait non plus, si c’est à ça qu’tu penses. Elle a un bras dans l’plâtre donc elle aurait eu du mal et aucune raison de faire chier qui que ce soit ! En plus il parait qu’on a pissé sur leur mur et j’la vois mal lever la jambe pour faire ça… Elle a fait aucune vague depuis qu’elle est là, t’as rien à lui reprocher alors va chier, Hippolyte ! Et si t’as rien à dire de plus, j’me casse ! »

Joan Porter

Joan Porter surveillait attentivement la porte clause derrière laquelle des éclats de voix commençaient à s’élever. Evidemment, intérieurement, elle s’en délectait… Mais elle devait s’assurer de paraitre inquiète face aux autres officiers présents aujourd’hui dans le bureau du shérif. Elle échangea notamment des regards interloqués avec William, qui ne paraissait pas trop savoir quelle attitude adopter lui non plus. Devaient-ils intervenir ? Se manifester d’une quelconque manière ? Ou leur supérieur souhaitait-il gérer cette entrevue en solo, comme c’était souvent le cas ?
« Est-ce qu’on devrait intervenir ? »
« Bah… J’en sais rien » avoua lamentablement l’adjoint, passant une main dans sa nuque en faisant porter son regard vers la porte du bureau d’Hickok.
Celle-ci s’ouvrit à cet instant, laissant apparaitre un Hunter visiblement furieux.
« Tout ça c’est des CONNERIES ! » vociféra le garagiste en s’immobilisant quelques secondes sur le pas de la porte, observant son public. « Quoi ? Vous voulez m’tirer l’putain d’portrait ? »
Là-dessus, le grand blond à l’air peu commode secoua la tête d’un air médisant et il marmonna encore quelques paroles inaudibles avant de se diriger vers la sortie du bureau du shérif.

Une fois de plus, Joan et William s’entreregardèrent, indécis. Devaient-ils chercher à le stopper ? Le temps qu’ils réfléchissent, Hunter avait violemment poussé la porte et s’était engouffré à l’extérieur en continuant de maudire le monde entier. Le calme reprit alors ses droits dans le bâtiment.
La standardiste fut la première à se remettre en branle et elle se dirigea d’un pas hésitant vers l’ouverture du bureau de son supérieur. Elle frappa quelques coups et tendit le cou pour observer le shérif qui se tenait devant sa fenêtre, une cigarette aux lèvres.
« Shérif ? Tout va bien ? »
Il se contenta de laisser échapper un petit ricanement cynique. C’était une réponse qui en valait une autre après tout…
« Alors ? Vous avez appris quelque chose ? …Est-ce que lui ou Baby ont quoi que ce soit à voir avec… »
« Non. »
C’était sans doute le mieux qu’elle obtiendrait de lui cet après-midi. Joan resta plantée une poignée de secondes supplémentaire sur le pas de la porte, et puis elle finit par pousser un petit soupir dépité.
« Bon… Je vais vous laisser à vos réflexions alors. J’ai encore du pain sur la planche. »
Il hocha simplement la tête et, alors qu’elle s’éloignait, il lui demande de refermer la porte, ce qu’elle fit. Elle retourna ensuite s’installer à son bureau, sous le regard interrogateurs de ses collègues. Elle haussa les épaules, pour leur signifier qu’elle n’en savait pas plus qu’eux, et ils finirent par retourner vaquer à leurs occupations.

Elle-même s’installa à nouveau derrière son poste informatique et pianota distraitement sur son clavier. Elle avait la tête ailleurs. Elle repensait à cette nuit et envisageait déjà ses conséquences. Joan s’en réjouissait d’avance…
D’ailleurs, un sourire finit par apparaître sur son visage, qu’elle dissimula derrière sa main pour ne pas avoir l’air de se réjouir de la situation. Mais personne ne remarqua rien. Ils étaient tous trop stupides pour réaliser. C’est elle qui devrait porter un badge. Un badge et un flingue… Mais elle était une femme et à Grayson, les femmes ne devaient faire que répondre au téléphone, cuisiner et bien présenter.
S’ils savaient !
Un jour, ils sauront, songea-t-elle avec délectation. Un jour ils sauront….

© riddle feat Jenna-Louise Coleman
PV interprété par chachoune

INFORMATIONS
vingt-cinq ans
célibataire
standardiste au bureau du shérif/rédactrice du journal local.

FLASH BACK

25 décembre 2013

Joan ne voulait pas en perdre une miette mais il allait falloir qu’elle se résigne à ne pas pouvoir assister à la scène complète. Elle n’allait pas être dans la capacité de voir apparaître la surprise puis – du moins l’espérait-elle – la peur sur leurs visages. Ils étaient à l’intérieur de la maison tous les cinq et elle-même se trouvait à l’extérieur, dans le froid, aux côtés d’Evan Davis. Le jeune homme représentait d’ailleurs la partie la plus désagréable de cette interminable attente… Ce crétin n’avait eu de cesse de se plaindre d’à peu près tout depuis le début de la soirée. Monsieur avait froid, il avait faim, il avait la trouille d’être pris, envie de fumer un joint, Monsieur avait soif et envie d’uriner…
Mais Joan savait pourquoi il était là, quel avait été son utilité et ça l’aidait un peu à tenir le coup et à supporter ses jérémiades.

Il s’était d’ailleurs enfin tue depuis que les cinq silhouettes s’étaient avancées pour rejoindre leur lieu d’habitation, sur East Jefferson Street. Joan avait retenu son souffle elle aussi, ses grands yeux brillant d’excitation braqués sur eux, bien à l’abri dans la pénombre. Car, Dieu merci, les lampadaires n’avaient pas encore été installés et se dissimuler était un véritable jeu d’enfant.
EVAN DAVIS ▬ Tu crois qu’ils ont… »
JOAN PORTER ▬ Chut ! » s’agaça la standardiste du bureau du shérif, en lui décochant un bon coup de coude dans les côtes.
Le junkie protesta évidemment, ronchonna dans sa barbe et finit par reprendre la parole d'une voix plus audible.
EVAN DAVIS ▬ Tu crois qu’ils peuvent remonter jusqu’à moi avec la pisse ? »
JOAN PORTER ▬ …Pardon ? »
EVAN DAVIS ▬ Bah ouais, j’ai pissé sur le mur… S’ils examinent ma pisse, ils vont trouver de l’ADN et tout ça… »
JOAN PORTER ▬ Ils ne trouveront rien » soupira Joan en levant les yeux au ciel.
De toute façon, même s’ils trouvent tes empreintes ou une photo de toi en train de tout saccager : ça ne les avancera plus à grand chose, ajouta mentalement la brune, un sourire mesquin se peignant sur son visage.

Elle se concentra ensuite à nouveau sur l’observation de la scène. Mais elle était forcée de constater qu’il n’y avait finalement pas grand chose à voir. Décevant… Pourtant Evan avait fait des dégâts. Du moins à l’entendre, il avait mis la maison sans dessus dessous. Pouvait-on vraiment se fier aux dires d’un minable dans son genre ? Pas toujours, mais ça non plus ça n’aura très bientôt plus la moindre importance.
Alors pourquoi les Donnelly n’étaient pas déjà ressorti pour crier au scandale, pour tenter de mettre la main sur le malotru qui était venu vandaliser leur domicile de location ? Peut-être étaient-ils en train de faire l’inventaire de ce qui avait été détruit ou volé… Ou peut-être étaient-ils encore trop sous le choc pour faire quoi que ce soit.
Au moment où elle tiqua d’impatience, une silhouette apparue enfin sur le seuil de la porte d’entrée, restée ouverte. Aahron Donnelly. Il se contenta de jeter un regard à l’extérieur et…referma.
EVAN DAVIS ▬ Qu’est-ce qu’ils font ? »
JOAN PORTER ▬ Est-ce que j’ai l’air capable de lire dans les pensées ou de voir au travers des murs ? » soupira Joan avec irritation.
EVAN DAVIS ▬ En même temps, t’as pas non plus l’air capable de manigancer une saloperie pareille alors… »
JOAN PORTER ▬ Quand j’aurai besoin de ton avis sur quoi que ce soit, tu le sauras » trancha la brune avant de redonner son attention à la maison Donnelly, observant les lumières s’éteindre un peu partout et des silhouettes passer devant les fenêtres pour fermer les lourds rideaux dans celle qui était restée éclairée. Le salon.
Qu’est-ce qu’ils fabriquent ?
Mais elle n’en saurait pas plus. Elle avait fait relier son téléphone portable au central du bureau du shérif mais aucun appel. Les Donnelly n’avaient apparemment pas l’intention de faire intervenir les forces de l’ordre… Pas tout de suite du moins. Avaient-ils quelque chose à cacher ?

EVAN DAVIS ▬ Et hem… A propos de c’que tu m’as promis… »
Joan roula des yeux et se résigna à se détacher du spectacle que ne lui offraient de toute manière pas ses victimes. Elle avait déjà pris un risque en venant observer son œuvre en compagnie de cet imbécile de Davis, la standardiste le savait. Mieux valait ne pas s’attarder par ici. Tant pis, elle ne serait pas la première sur les lieux pour jouer les alliés et reporter… Elle devait se faire une raison.
JOAN PORTER ▬ Suis-moi. »
Elle se détourna et, s’enfonça à nouveau dans les bois bordant Grayson pour procéder au paiement en toute discrétion. Elle avait convenu de payer Evan en liquide, mais pas avec des billets. Il était intéressé par tout autre chose…et c’était parfait comme ça.

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02. Formulaire d'enquête

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