YOU’RE THE ONLY TYPE OF DYNAMITE THAT’S NEVER GOING TO BANG

Ah, la ville de Grayson. C’est là que William a vu le jour il y a un quart de siècle de là. Ce n’est pas seulement sa ville de naissance mais également le lieu où il a grandi. Grayson n’est probablement pas l’endroit le plus beau dont on peut rêver ; non, à vrai dire, Grayson n’est définitivement pas ce genre d’endroit. Et pourtant, William lui voue un amour ans limites. Lui-même ne sait pas trop pourquoi, car l’humain moyen ne s’attache pas nécessairement autant à son lieu de naissance, et sa vie n’a jamais été assez extraordinaire pour qu’il se réjouisse de l’avoir passée ici. William a en effet passé une enfance des plus ordinaires. Des parents lambda, une maison assez sympathique, ils avaient même un chien que le jeune homme considérait comme son meilleur ami. Il a toujours été un peu barjot sur les bords, d’ailleurs ses camarades aimaient bien le taquiner à cause de ça, mais rien de bien méchant. En fait, on peut carrément dire que sa vie était tellement ordinaire qu’il aurait voulu à tout prix s’enfuir d’ici pour la rendre plus intéressante, mais étrangement ce n’était pas le cas. Tout petit déjà, William se voyait faire toute sa vie ici, et dans ses fantaisies les plus ardentes il se voyait maire de la ville, prêt à y faire régner ordre et quiétude.
Il ne passa trop loin de son rêve, occupant plus tard un poste assez important au sein de Grayson. William avait fini par décider de devenir officier  des forces de l’ordre, pensant que cette « autorité » fraîchement acquise lui permettrait de garder les choses à leur place. Pas que Grayson soit une ville nécessitant particulièrement ce genre d’interventions, mais il aimait se dire que si jamais quelque chose partait en vrille il aurait au moins la capacité d’aider à résoudre les choses, une pensée qui lui offrait un certain sens de soulagement et qu’il n’allait presque jamais dormir sans se la répéter cent fois dans son lit. Le jeune homme fit donc ses études à l’académie de police et revint chez lui tout content, remuant son diplôme à la face de quiconque voulait le voir (et même ceux qui ne voulaient pas, d’ailleurs) comme un chien remue fièrement sa queue après avoir rapporté un os. Son sentiment de fierté ne fit que gonfler en constatant l’étonnement des autres, d’ailleurs ; tout le monde le prenait pour un lourdaud hyper maladroit –ce qui est vrai d’ailleurs- et on se demanda comment il avait fait pour réussir. William sait qu’on a tendance à trop le sous-estimer mais il faisait de son mieux pour ne pas s’en soucier, se concentrant plutôt sur cette réussite qu’il comptait bien faire durer.
Même s’il était très malhabile, le jeune homme travaillait d’arrache-pied et dépensait tous ses efforts à garder la paix –apparente, du moins- au sein de Grayson. Cet acharnement finit par lui valoir une énorme promotion et il devint adjoint du shérif. À l’époque, fraîchement récompensé, William se réjouissait sans cesse de son nouveau poste. Aujourd’hui, il maudit le jour où il a cessé d’être un simple flic comme les autres. C’est sans hésiter dû au fait que le shérif parlait un peu trop en étant saoul, et qu’en lui resservant un verre William entendit quelque chose qu’il aurait préféré ignorer. Quelque chose concernant le passé de Grayson et de ses familles fondatrices qui le hantait depuis le jour où il l’avait appris et ne le quitterait sûrement jamais. William n’était pas sûr de pouvoir endosser une responsabilité pareille. Jusque là il ne s’était jamais soucié de rien, mais maintenant qu’il avait des réponses à des questions qu’il n’avait jamais posées, il craignait constamment ce qui pourrait se passer. Peu importe ce que c’était, mais cette ville était définitivement étrange –il n’irait pas jusqu’à utiliser le mot « maudite » mais il était sûr que quelque chose de très louche se tramait, quelque chose qui les dépassait tous, y compris lui et son titre d’adjoint du shérif.
William lui-même était sûr que sa lâcheté finirait par le pousser hors de cette ville, aussi loin qu’il le pouvait, et pourtant il est toujours là à sa plus grande surprise.  Qu’est-ce qu’il fout encore là, au juste ? Le jeune homme lui-même ne le sait pas. Peut-être tient-il toujours au fond de son esprit une lueur d’espoir qu’il peut toujours se défendre lui et sa ville, s’étant juré d’en protéger les habitants coûte que coûte, ou même que le shérif racontait n’importe quoi, toujours est-il que cette lueur n’est sans doute pas aussi forte que la lourdeur du poids qui l’écrase constamment depuis un bon bout de temps.