Une longue histoire de chevauchées
Vous voulez que je me présente? C'est obligatoire? Mais je ne sais même pas par quoi commencer... Le début? Oui, bon, peut-être.
Je m'appelle Steeve Reytlam époux Ambrose Wolffhart (... oui, je sais.) et j'ai 27 ans. Oui oui, c'est un commencement. Mais si, je vous le jure.
Bon, je suis né le 21 Mai 1987 au Texas dans un ranch au sud du fleuve Colorado. Il n'y a pas une seule ville dans un périmètre de 30 km alors je ne connaissais pas grand chose à la modernité. J'ai vécu dans les traditions; country, rodéo et whisky. Notre terrain se trouve dans les terres arides, loin des zones luxuriantes aux abords de l'eau. Du coup, quand j'ai eu 14 ans, mon père m'a demandé de creuser un puits. J'ai mis plus de six mois à atteindre la nappe phréatique. Mais au moins, ça m'a musclé et je m'en plains pas. Au début, je devais partir en jeep avec mon père pour remplir des jerricans d'eau. Je suis un champion pour éviter les alligators ou les anacondas. Il paraît qu'un cousin est mort comme ça.
Où je suis né? A la maison. Oui, ma mère a accouché au milieu de l'étable. Un vrai petit cow-boy depuis la naissance, ça je peux vous l'assurer.
J'ai eu une enfance plutôt heureuse, enfin si l'enfance est comprise entre 0 et 17 ans. Mon jouet préféré ? Bin le lasso, et j'ai attrapé mon premier veau à 12 ans. Puis j'ai gagné mon premier concours de rodéo dans la même année, sur un cheval qui s'appelait Zeus. Du tonnerre, hein? (Vous êtes censés rire là... )
Ma scolarité s'est faite à domicile et je n'ai jamais passé de diplôme. Ma mère m'enseignait les maths et les sciences ainsi que l'anglais tandis que mon père s'occupait de l'histoire et de la géographie. Je préférais les cours avec Mom, car Bill pensait que le travail valait tout les diplômes du monde. Vaut mieux travailler dans l'illégalité qu'aller à l'université. C'était mon père et il n'avait jamais été bon en cours. Il a vécu au ranch depuis ses 15 ans et suivit les traditions à la lettre. Alors la bêtise, c'est de famille, je vous le dis, enfin côté... bovin. Je me moque pas, hein? Mais je l'ai beaucoup regretté par la suite... Énormément même. Vous allez comprendre.
Mais pour l'instant, il faut dire qu'il me reste de bons souvenirs, surtout avec les chevaux et les troupeaux exactement comme au Far West. Mon tout premier poulain s'appelait Le Rouquin... oui oui, en français. J'adore apprendre de nouvelles langues et c'est Rose, l'employée des O'hanna qui m'enseigna le parler des mangeurs de grenouilles.
Ils habitaient dans un ranch de bourgeois à une heure de chez nous, je m'y rendais tous les matins pour échanger des œufs contre de la farine ou des fois du chocolat en poudre. Ils avaient tout le temps du chocolat. Et c'était bien pour moi car depuis ut petit je fais des malaises hypoglycémique. Ils sont produit par une production intense d'insuline de mon pancréas. Du coup, je manque de sucre et j'adore les bonbons. Donc je disais qu'ils avaient tout. Ah, bin ça! Ils faisaient pas les choses à moitié. Il y avait une trentaine de domestiques, deux étages et une grande bibliothèque. J'ai eu mon premier baiser sur le fauteuil du père... avec leur dresseur de chevaux. Il y avait peu de fille dans les terres des O'hanna. C'est du passé et une simple expérience.
Donc je disais... Ah oui, Le Rouquin. Voilà, mon enfance a été bercée par le hennissement des chevaux et les championnats de rodéo mais aussi par les violons, la dance country. Je travaillais avec mon père dans les enclos, le matin puis à midi j'aidais Mom pour sa tarte aux pommes. C'était la meilleure de tout le pays. Je vous donnerai la recette, promis. Tout allait bien et même si on avait des petites altercations avec des exploitants de pétroles, on était heureux car réunis.
Puis on a découvert une maladie des poumons à ma mère et tout a basculé. Pendant un an, on a fait comme si de rien était mais Dad cherchait une solution à côté, il aimait énormément ma mère. C'était dur de le voir se lever à deux heures du matin pour rentrer qu'à minuit. J'ai vite compris, du haut des mes niaises seize années que ma mère n'allait pas revenir tout de suite.
Vous voulez savoir comment ils se sont rencontrés? ...
C'était en 1986 et il se trouve que ma mère a tiré sur mon père lors d'un championnat de tir à la carabine. Si si, c'est la vérité. Elle voulait chasser la mouche qu'il avait sur son chapeau. Maintenant il a une cicatrice près du nombril. Maman a une très mauvaise vue. Et ils sont même pas aller à l'hôpital. Elle lui a retiré ça du bout d'un couteau. Alors mon père, juste avant de s'évanouir a dit: «Une femme comme ça ou je l'a tue ou je l'épouse !»
Eh bin la jeune Louisa Dexon n'a pas oublié cette parole délirante et est venu le chercher six mois plus tard pour le tirer à l'église. Oui, c'est elle qui porte la culotte. Et je suis né seulement neuf mois plus tard... Bref, mon père aime ma mère depuis le premier jour.
Ce fut dur pour lui car il ne pouvait pas se procurer suffisamment de fond pour les opérations quotidiennes. Il n'a pas réussi. Il a vraiment essayé, il a même tué Le Rouquin. Ça n'a pas apporté beaucoup d'argent, ah ça non... mais pas mal de peine par contre. Mon père ne s'est jamais excusé et il m'envoya à New-York pour gagner de l'argent. J'avais 17 ans.
Ah ! Qu'est-ce que j'étais naïf à l'époque…! Je ne savais vraiment pas où je mettais les pieds et j'ai vraiment galéré pour y faire ma place. C'était pas facile sans rien connaître de la société. Mais j'ai eu de la chance, j'ai rencontré les gens qu'il faut.
Oh, la ville ! Pleine de possibilités, des métiers confortables comme policier, peut-être même avocat ! Mais j'ai jamais eu de diplôme... alors je suis devenu Stripteaseur.
Eh ! Vous vous attendiez pas à ça, hein? Je suis désolé de vous décevoir mais je fus un de ces gigolos que vous détestez tant... Hummm. Je peux déjà entendre les commères qui cracheront sur les petits avantages houleux de mon job.
Oui! J'avoue, O mégères, je passais les nuits des shows avec des clients ou je pu dispenser des gâteries derrière le rideau. Mais je le devais, c'était une question de vie ou de mort pour ma mère. C'est important les parents, il faut les chérir tant qu'on les a...
Je connais déjà votre prochaine interrogation... Oui, elle est partie, il y a maintenant quatre ans.
Allez-y maintenant! Crachez votre venin, vieilles harpies! Cela ne m'atteindra jamais, vous ne valez même pas un morceau du sein de ma mère. Vous n'existez pas.
...
J'ai vécu comme ça pendant six ans puis ce fut le grand ménage de printemps dans ma vie. Le truc qui n'arrive que dans les livres à l'eau de rose. C'était un vendredi soir et je devais faire mon show. Avec une barre, un chapeau de cow-boy et des santiags... Bref, le show du vendredi soir.
Je peux vous confier que je n'étais vraiment pas bon au début. Par exemple lors de mes débuts de pole dance, j'avais accroché un bout de mon tee-shirt à la section de la barre et sans le voir, je suis redescendu... alors je découvrais la joie du strip-tease involontaire. Mais je me suis vite habitué surtout que je découvrais mon homosexualité refoulée avec violence.... Bin oui, je travaillais dans un bar... gay.
Donc ce vendredi soir, je stressais affreusement car on m'avait précisé qu'il y avait de gros clients et je n'avais pas le droit à l'erreur. Puis le gong retentit, j'avance sur la scène et je me fais épingler au mur par deux yeux gris profonds.
Je... j'ai senti mon cœur se serrer, j'avançais vers la barre sans trop savoir comment et j'ai dansé. Mon corps ondulait sur le rythme de la musique. Je me suis livré ce soir là et j'ai fait plus que danser. J'ai investi toute mon énergie dans des acrobaties folles. Pour lui, pour moi. J'avais oublié que j'avais d'autres clients. Je voulais qu'il en frissonne dans ses rêves en se rappelant inconsciemment de ce moment précieux.
C'était une expérience époustouflante. Il était d'un charisme et d'une stature... je sais pas quoi dire. Il était juste... vrai.
Quand je dis vrai, c'est que son regard veut tout dire. Il est séduisant et très... je sais pas, sombre peut être. Je voulais absolument chasser ces ténèbres. Utopiste, hein ?
Ça a été le coup de foudre, et apparemment des deux côtés, il venait quasiment tous les soirs pour m'applaudir. Un jour, j'ai pris mon courage à deux mains et je suis allé danser sur ses genoux. Bon, là, j'ai eu deux petites surprises, il était armé et il était enquêteur indépendant.
J'ai couché avec lui, cette nuit là. Puis les autres et encore les autres. Qu'en est-il de maintenant ? Je suis marié depuis quatre ans et je m'en porte pas plus mal. (Oui, pour ceux qui n'avaient pas compris; ma mère est morte juste avant notre mariage.)
Comment? Ah, il s'appelle Éric et c'est mon homme.
Je crois que c'est grâce à lui que j'ai compris que pour sauver ma mère il n'était pas nécessaire de vendre mon corps. Et j'ai arrêté le strip-tease, enfin dans le cadre professionnel... du côté intime du couple par contre.... Humm... Je dérape.
La suite? Bin après il m'a présenté un ami à lui qui travaillait dans le monde de la télévision et j'ai dégoté un stage au studio du JT. Puis de fil en aiguilles, je suis devenu journaliste sur le terrain. Je me suis fait un nom et quand j'ai pu rassembler un fond important, je suis devenu moi même un journaliste indépendant, alors de temps en temps, je m'associe à lui pour un léger reportage. Mais en définitive, je travaille très peu à ses côtés. Ça nous convient parfaitement car nous sommes tous les deux très minutieux alors avoir quelqu'un dans nos pattes... même s'il est canon, c'est hors de question!
Ce que j'ai fait comme reportage?
Il est vrai que j'ai été longtemps indécis et je me rappelle avoir fait de petits montages sans importance. Un jour, j'ai pris une grande inspiration. J'ai réalisé une enquête sur la vie des stripteaseurs. Je voulais que tout le monde sache comment on était traité et qu'il ne fallait pas nous fustiger. Certes, on vend notre corps à n'importe qui mais faut en avoir le courage. Et oublier les hommes ivres qui nous mord plus que de raisons ou qui cherchent à nous tuer car on est pas à leur goût. Je n'ai plus aucuns bleus de cette époque mais quand je me regarde dans la glace... parfois je pleure, et pendant de longues minutes je passe mes doigts sur les cicatrices, visibles ou non, me souvenant de leurs histoires.
Là, une marque de dents. Là, de cigarette et celle-ci, celle entre les cuisses... c'est l'homme qui voulait absolument le faire avec un couteau. Il... Quand il a découvert ceci, Éric a voulu retrouver ce barge pour le tuer. Il était hors de lui. Mais je m'en fiche de tout ça, car cela m'avait permis de payer deux opérations à ma mère mais aussi parce que mon loup ne peut s'empêcher de la lécher pendant des heures, juste pour me faire oublier...
Enfin... quand j'ai réussi à faire passer ce reportage à la télé, j'ai demandé à Éric de le regarder. Il est resté de marbre puis m'a embrassé. Il était fier, dis donc! Ah, j'en entendais parler tous les soirs mais moi, je m'en fichais comme d'une guigne. J'aimais juste... juste l'entendre parler car bon, il est pas bavard et est avare de mots doux. Alors qu'il me félicite d'avoir pu dénoncer tout ceci... mon cœur l'a définitivement choisi... Bref, cette relation est forte même s'il est légèrement distant.
Vous imaginez ? Je dois le courtiser pendant quatre heures pour avoir le droit à un câlin ou juste un bisou sur le front. C'est un glaçon et je parle pas que de ses pieds qui se collent à mes jambes la nuit.
Certes, on est un couple fusionnel mais surtout pour les affaires de lit... le reste; on s'engueule et pas faiblement, hein? Des fois, les voisins sont obligés d'appeler la police puis bon, on se fait un bisou pour mieux se retaper dessus quand ils ont le dos tournés. De vrais gamins... Mais je l'aime.
Tellement que je l'ai emmené voir ma famille. Pas toute, sinon on y aurait passé des mois. Non, juste Bill et Louisa Reytlam. Éric n'en menait pas large quand je l'ai présenté à mes parents.
J'aurai voulu rencontrer les siens mais il n'en parle jamais. Pas besoin d'un tableau pour comprendre qu'il a eu une vie ignoble et j'essaye de lui montrer que le futur ne peut être que mieux à mes côtés...
C'est pour ça que j'ai accepté de le suivre dans ce trou paumé de Grayson car monsieur avait trouvé une superbe enquête. Tu parles, y a personne ici et ils me font penser aux Texans. Dur comme la semelle d'une santiag avec les inconnus et cachant plein de squelettes dans leur placard... Bref, j'ai l'impression d'être rentré à la maison et que toutes les lumières sont éteintes... Gloups.