You can say I'm done,
But this has just begun
« Kurze Abendmahlzeit macht lange Lebenzeit »
Entendez-le bien; je ne fais jamais les choses à moitié, quoi que ce soit, positif comme négatif. Lorsque l’on nait un vendredi 13, on se prédestine à une vie de merde, du moins en grande partie. Attention, je ne dis pas que chaque jour qui passait était un calvaire. Y’a eu des bons moments, c’est juste que les mauvais, eux… ça ne tournait pas juste autour du chat de la famille qui terminait en revêtement de sol. Alors en plus d’une date de naissance pourrie, le lieu qui va avec n’arrange pas: Allemagne, Berlin. En 1985 et du côté de la RDA. Ça fait le tour dans votre p’tite tête ? Guerre froide, un foutu mur en travers de la ville et ce genre de trucs qui vous bousille un pays. Le début des emmerdes ? Du tout. J’y suis resté jusqu’à mes six ans et ces petites années ne m’ont pas laissé les pires souvenirs.
Je crois que si ce mur n’avait pas été construit, je ne serais sûrement pas né. Ma mère vivait en RDA, le «mauvais» côté du mur. Une belle femme, blonde, grande et à la silhouette élancée, pas de problème à charmer, en gros. Elle a rencontré mon père en RFA lorsqu’elle n’avait que dix-sept ans. Comment ? En quoi cela vous regarde ? Je n’ai pas le choix ? … ok. La femme qui m’a mis au monde était étudiante à cette époque et avait donc une sorte de «laissez-passer» pour la RFA. Je ne pourrai vous dire avec exactitude la manière dont elle a commencé à voir mon père. Oh, lui ? Il s’agissait d’un militaire, un américain de surcroit. Le pire, c’est que tout se passa assez rapidement entre eux car après seulement quelques semaines de relation, ma mère tomba enceinte. Mais pas de moi. De celui qui me servit de frère, Ludwig. Ce qui était con pour eux, c’est qu’à ce moment-là, mon père n’avait pas assez de grade pour pouvoir naviguer comme il l’entendait entre la RFA et la RDA.
Je vous arrête tout de suite, ce n’est pas du tout l’histoire du père qui après avoir engrossé une femme, se casse comme si de rien n’était, qu’est ce que je foutrais là, sinon ? Au contraire, ils ont continué à se voir, mais que tout les deux. Je veux dire par là, qu’avant un certain moment, ni mon frère, ni moi, n’avions vu notre père en chair et en os. Enfin, il avait fallu attendre que mon frère ait quatre ans pour que je naisse et que mes parents décident de se marier. Faut dire qu’ils ont eu une relation spéciale, c’est deux là, mais ils devaient vraiment s’aimer et cela malgré les préjugés de l’époque, ahlalala, c’en est presque émouvant… presque.
Comment ma mère a fait pour nous élever alors qu’elle étudiait en RDA ? Elle nous laissait à la voisine de palier de notre appartement pourri –mais chaleureux-, une de ces bonnes femmes bien en chair qui sourit toujours quoi qu’il arrive. Ce qui voulait dire qu’on ne la voyait que le soir, pour le repas puis elle partait travailler ses cours. Il arrivait qu’elle rentre plus tôt ou passe ses week-ends avec nous, mais il y avait toujours une absence considérable pour des mômes de notre âge. Je sais tout de même qu’on n’était pas les plus à plaindre. Mon frère considérait la voisine comme une deuxième mère, pas moi. J’ai même eu du mal à me rappeler de la mienne, à force de ne plus la voir, alors apprécier la vieille comme une deuxième âme maternelle… sans moi.
Cela arrivait souvent qu’avec mon frère, nous nous rendions près du mur, sans trop nous approcher. C’était démentiel pour un gosse de quatre/cinq ans, une sorte de frontière physique qui en plus de bloquer toute forme de vie humaine, bloquait l’espoir avec elle.
Puis ma mère n’allait pas rester étudiant jusqu’à la fin de sa vie, alors quand elle eu vingt-six ans, elle réussit troqua son laissez-passer contre un diplôme en art. Ainsi, à partir de là, mes parents ne purent plus se voir et communiquèrent par lettres. J’étais sûr de ne pas avoir un petit frère, comme ça.
Et une année passa ainsi pour ma mère, entre les lettres et son travail, alors que nous, nous le passions entre l’appartement de la voisine et l’école. Vint le jour où tout changea et cela pour tout le monde, pour tout Berlin. L’année de la chute du mur, 1991. C’est fou, mais j’y étais, ce jour là, avec Ludwig, avec ma mère.
Bon dieu, vous trouvez ça réjouissant ? Les gens se bousculaient, d’autres hurlaient à en perdre haleine et certains arrachaient les morceaux du mur à mains nues, laissant leurs ongles suivre le mouvement. J’avais six-ans d’âge quand cela est arrivé, alors je n’en menais pas large et je ne lâchais pas la main de ma mère car me faire écraser n’était pas dans mes priorités à l’époque. Mon frère tenait son autre main, impatient de pouvoir enfin rencontre notre père et je dois avouer que moi aussi, un peu. Puis Ludwig aimait tout le monde, c’est une des grandes choses qui nous a toujours différenciés.
Sans prévenir, notre mère lâcha notre main.
Son corps chuta lourdement à terre, vers l’arrière alors que nos regards étaient dirigés vers l’avant. Non, personne n’avait compris sur le moment, personne n’y faisait attention. Il y avait seulement mon frère et moi, autour de notre mère à essayer de la faire se relever, se réveiller ou ne serait ce que bouger. Mais avec un trou béant en plein milieu du crâne, on aurait du comprendre qu’elle était entrée dans un mutisme sans fin. Ces souvenirs sont flous, mais je crois me rappeler que nous étions très proche du mur et qu’un homme, ivre d’espoir, dans la précipitation, ne fit pas remarque des gens se trouvant dans son champs d’action et lança sa pioche en arrière. Je ne suis sûr de rien à part que ma mère est morte ce jour là.
Les forces de police finirent par intervenir au bout de deux heures et emmenèrent le corps de ma mère alors qu’ils nous renvoyèrent chez la voisine. Non, on ne comprenait pas ce qui ce passait, avec mon frère, on était tous partis pour retrouver notre père, voir la fin de cette prison… mais rien ne s’était passé comme il fallait.
On a emménagé chez la vieille, j’ai eu la trouille de ma vie en me disant que j’allais grandir avec elle, j’ai même pensé à une fugue, oui, à six ans j’avais déjà ces sortes d’idées. Puis après une semaine, de bon matin, quelqu’un vint frapper à notre porte. Sûrement une des amies de la propriétaire ou le bayeur, rien d’intéressant en somme. J’avais vraiment un instinct merdique, à l’époque. C’était un homme, grand, à la stature carré, au regard noir et portant un uniforme militaire. Ça a fait deux tours dans mon cerveau avant de comprendre qu’il s’agissait de mon père. Peut-être que vous, vous vous attendiez à ça, mais pas nous. On avait eu la trouille vu la gueule qu’il tirait, comme s’il avait vu un fantôme ou qu’il était là pour nous égorger.
Je vous passe les retrouvailles larmoyantes et ce genre de connerie, je me rappelle à peine de comment ça s’est passé, à part son arrivé, les chialeries de la vieille et mon frère qui trainait dans les pattes du paternel tout en faisant ses valises. Moi je regardais de loin en faisant mes valises.
Où sommes-nous partis ? Aux États-Unis, sans détour ou arrêt. Pour mon frère et moi, ce fut la première fois que nous prenions l’avion, et je crois que pour mon frère, ce fut la dernière, vu la façon dont il avait été malade. Il n’avait jamais aimé les avions, jamais…
Par la suite, nous débarquions en Virginie pour nous installer près de la base militaire de Fort A.P. Hill. J’ai grandis là-bas, entouré par des militaires américains.
« Things we lost to the flame, things we'll never see again»
Comme j’ai pu vous le dire, j’ai emménagé dans une ville de militaire près d’une base de l’armée terrestre. Ce n’était pas catastrophique, mais pas génial non plus. On a vite fait notre deuil avec mon frère et on a appris à connaitre notre père. Mais lui, il a eu plus de mal à oublier notre mère, ce qui le rendait assez mélancolique, malgré ça, il était sympa.
Y’a pas grand-chose de phénoménale qui s’est produit dans ma vie, à cette époque. De mes six ans jusqu’à mes dix ans, je suis allé dans une école élémentaire basique et j’y ai appris votre langue. Certains gamins se foutaient de mon accent. Je ne suis pas du genre à m’emporter, alors je ne disais rien. Mais à force d’entendre les « sale boche, retourne dans ton pays et coupe toi la langue », faut pas venir se plaindre comme quoi les dents ne sont pas facile à digérer.
Donc, donc. Après mes dix ans, je n’ai pas intégré une école dite « normale, non. Mon père avait fait tout ce qu’il avait pu pour que j’intègre une école militaire. Je maudis les bons résultats que j’avais eu, en pensant à ça. Franchement, comme si vivre AVEC les militaires ne suffisait pas, il fallait que j’aille étudier AVEC les militaires. J’étais jeune et plus facilement «conditionnable» que mon frère. Lui dès qu’il était arrivé, il avait refusé d’intégrer cette école. Soit disant qu’il se refusait à entrer dans l’armée, qu’il voulait devenir médecin ou ce genre de chose, c’était un grand cœur, celui là.
Au final ? Ludwig était devenu une sorte de reporter –au chômage- alors que moi, je continuais mes études dans le but de devenir officier. Une vie banale, avec ses hauts et ses bas, ses coups de gueule avec le paternel, les fugues de la maison, les beuveries, les petites amies et les petits amis, les études, ces merdes quoi. Bon, y’avait pas de présence maternelle, je vous l’accorde, mais on s’en passait pas trop mal, concrètement.
Et ça a duré comme ça jusqu’à mes seize ans, moi qui croyait que mes emmerdes s’étaient cassés avec ma vie en Allemagne. Mon frère s’était rendu à New-York, après un énième entretien pour se trouver un boulot. Il avait quoi, vingt-ans ? Et ses diplôme à peine en poche, il se rendait le cœur gros comme une maison, se disant que le monde était si beau qu’il pourrait sans problème se dégotter un job. Saleté d’utopiste qui se ventait qu’il allait travailler dans l’un des endroits les plus connu de la grosse pomme. Je n’ai jamais aimé les bâtiments qui se ressemblent au point d’être jumeaux, surtout dans l’architecture, c’est un manque de goût.
Vu que c’était début septembre et que nos cours débutaient en octobre, j’avais fais le trajet de Virginie pour le rejoindre et y rester une petite semaine, ça aurait été bon pour me changer les idées. Sauf que ce connard de taxi m’avait déposé près de l’entrée de la ville, c’était bien pour me repérer, après. Je n’avais pas le feu au cul, mais je n’avais pas que ça à faire non plus. Puis à un moment, j’ai entendu des gens se mettre à s’exclamer, d’autre à crier. Ils regardaient tous vers le ciel, alors comme un mouton, j’ai levé les yeux au ciel tandis que je mettais mon sac correctement sur mon épaule.
Il a traversé le ciel.
Tout devint silence autour de moi, je n’entendais que le bruit des moteurs vrombissant et je ne voyais que cette traversée de plus en plus lente.
Lorsque l’avion s’écrasa dans l’une des tours jumelles, le bruit de l’explosion me ramena à la dure réalité. Les cris des passants s’étaient transformés en hurlements d’effroi.
Et encore une fois, je ne voulais pas comprendre. Je ne voulais pas comprendre que mon frère passait son entretien dans l’un des bâtiments du World Trade Center. Peut-être qu’il se trouvait dans l’autre, peut-être qu’il avait raté son réveil ce matin là ou peut-être qu’il avait renoncé ?
Je n’avais pas bougé, je regardais simplement les flammes dévorées l’une des tours, les gens se jeter des fenêtres, les cendres et la fumée envelopper les alentours et le deuxième avion donner le coup de grâce aux tours jumelles en détruisant la dernière des sœurs encore debout.
Plus d’espoir, ça ne servait à rien. Je fis demi-tour, je n’avais plus conscience de ce qui ce passait autour de moi. J’ai appelé et je suis rentré avant d’annoncer ce qui s’était passé à mon père.
11 septembre 2001, attentat terroriste.
Le corps de mon frère fut retrouvé dans les décombres une semaine plus tard et les funérailles eurent lieu deux jours plus tard. C’est fou, mais il avait raison de ne pas aimer les avions.
Avec mon père, on ne s’est pas adressé la parole pendant près d’une semaine. On ne se faisait pas la gueule, mais on était trop frigorigide l’un et l’autre pour tomber dans une dépression pleine de larme. Ouai, on a préféré reprendre notre vie, enfin ce qu’il en restait.
Par contre, j’ai un peu déraillé cette année-là. Je n’avais plus goût à rien, je ne me rendais plus en cours qu’une fois sur deux, je sortais encore plus et j’adorais dépasser les limites. Le résultat ? Je n’ai pas eu mon diplôme d’officier. Ça a mis le feu à la baraque, je n’avais jamais vu mon père tant en colère. Je me suis pris mes quatre vérités en pleine face.
Je l’avais dans l’os, de me prendre dans la gueule dès « tu t’es laissé aller après la mort de ton frère » ou des « tu lui fais déshonneur à lui et à ta mère », ce genre de truc bien piquant qui vous donne envie d’envoyer voler les meubles autour de vous. Ce n’est pas comme si j’avais vu crever devant mes yeux une deuxième personne de ma famille. Bah, jamais deux sans trois.
Bon, deux jours plus tard, tout est rentré en ordre. Mon père, qui après toutes ces années avait atteint un grade assez gratifiant, réussit à me faire entrer dans l’armée comme simple soldat. Ça me convenait parfaitement, à moi.
« Lift your hands and voices »
Ce fut le jour de ma dix-huitième année, en 2003, que j’entrais officiellement dans l’armée de terre et que j’apprenais le départ de mon père en Irak. Oui, oui, je me réjouissais autant que vous, à cette époque.
J’ai du attendre une bonne année avant d’être affecté à une division précise et être enfin, notez l’ironisme, envoyé en Irak. Pourquoi je tenais tant que ça à me rendre là-bas et risquer ma vie de façon stupide ? C’est simple, pourtant. Je n’avais plus rien à perdre et ça me donnerait une faible probabilité de revoir mon père, qui sait.
Alors non, je n’ai pas envie de parler avec minutie de ce qui c’est passé là-bas. Les récits sur l’Irak, vous devez en avoir eu à la pelle, donc les miens, vous vous en passerez. Seule petite anecdote, c’est que lors d’un raid assez chaud, j’ai découvert l’expression « perdre la tête » et un de mes ennemis aussi.
Encore une fois, la poisse était ma meilleure partenaire et elle était si jalouse qu’elle m’empêcha de voir mon père pendant un petit temps. Certaines fois je pouvais lui parler par radio, mais c’était plus ou moins compliqué. Mais j’ai réussi à le revoir près de trois ans plus tard alors que j’avais vingt-deux ans.
Attention, je n’ai pas dis dans quelles conditions.
Bon, je vous fais un résumé de ce qui s’est passé. La nuit était tombée depuis une bonne heure quand j’ai reçu un appel radio de mon père. Ce qu’il disait ? Que son escouade et lui avait été encerclé par des talibans et que ma propre escouade était la plus proche et la plus apte à l’aider. Je n’avais pas les pleins pouvoirs à ce moment, alors je suis allé voir mon chef, je lui ai tout expliqué. Cette enflure m’a envoyé chier, son petit café en main en prétextant qu’on ne pouvait pas intervenir à cause de la nuit ténébreuse et des conneries dans le genre.
Première fois que je perdais aussi vite mon calme et que je laissai un coup partir aussi vite et avec tant de violence, faisant s’affaler l’officier à terre. Je vous épargne les détails, mais il ne ressemblait plus à grand-chose après la mise à tabac que je lui ai offert. Profitant qu’il soit dans les vapes, j’ai pris les commandes de l’escouade et j’ai lancé l’assaut.
Tous les soldats avaient les crocs aiguisés, la pré-ivresse du sang et l’envie de voir des têtes tomber. Tout ce serait passé de façon grandiose si tout n’avait pas été déjà terminé. Aucun talibans, juste des cadavres jonchant le sol comme des graines lancées au vent.
Oui, mon père faisait partit de ces hommes morts.
Jamais deux sans trois.
Je suis rentré à la base en laissant les corps sur place, sachant bien qu’une équipe s’en chargerait plus tard. J’en avais oublié l’officier, mais lui ne m’avait pas oublié.
J’ai été renvoyé aux Etats-Unis et révoqué de l’armée. Quelque part, j’ai eu de la chance car j’avais derrière moi l’accusation de coups et violence envers un officier supérieur et la mise en danger de soldat. Comment je m’en suis sortis ? Par le nom de mon père, et par sa mort.
Tout l’univers militaire me tournait le dos à présent et je faisais de même, j’étais devenu un simple civil. Là, je l’ai eu vraiment mauvaise.
« All you hear's the cold wind blow and get stoned »
Voilà qu’à vingt-deux ans, je me retrouvais comme un con sans toit ni rien. Bon, heureusement que j’avais des amis, si, je vous jure, j’étais peut-être quelqu’un de froid et distant, mais pas non plus un asocial.
Bref, cet ami vivait à New-York et m’accueillit pendant quelques temps. On se connaissait depuis mon arrivé aux Etats-Unis, fils de militaire lui aussi, mais il était plus proche de mon frère vu qu’ils partageaient le même amour du journalisme.
Alpha dit Daniel Falcon. Il détestait son prénom alors il se faisait appeler ainsi. Ses parents pensaient avoir une fille et l’avaient nommé « Daniela » mais ils eurent une bonne surprise à sa naissance. Le pire, c’est qu’ils changèrent son prénom seulement lorsqu’il eu douze ans, alors il l’a « mal » vécut. Moi, ça m’avait bien fait rire, à l’époque.
Bien, bien. Plus je restais chez lui, plus je devenais une loque. Je n’avais goût à rien, envie de rien et rien à faire. C’est sûrement cet état qui a énervé Alpha. Il m’avait laissé comme ça pendant les premières semaines puis un jour, il m’en a retourné une. Vous voyez ma stature ? Il est encore plus impressionnant, ce mec, alors imaginer la force du coup.
Une nouvelle fois, je me prenais de nouveau mes quatre vérités en pleine face et il n’y allait pas de main morte, mais il avait raison sur toute la ligne. Après avoir perdu toute ma famille, je me laissais crever petit à petit.
« A quoi ça sert ?
Ça ne les ramènera jamais !
Bouges-toi le cul, pauvre con. »
Ne croyez pas que du jour au lendemain, je me suis remis dans le circuit. Sur ce coup, je ne savais vraiment pas quoi faire.
Un soir, Alpha rentra avec une affaire sur les bras, une histoire de drogue qui concernait des grandes pompes et dont il voulait faire éclater la vérité au grand jour. Je ne sais pas ce qui m’avait pris, mais je me suis intéressé à cette histoire. A tel point que je me suis retrouvé dans une grosse merde, à être sous couverture en tant que dealeur car je m’étais laissé embobiner par Alpha.
On m’a découvert une vocation d’enquêteur lors de cette histoire. Bon, ça avait mal finit car il s’agissait d’homme de haut rang, mais on s’en était pas si mal sortit.
Je n’ai pas vraiment attendu et je me suis mis à mon compte. Malgré que ça ait pris du temps à démarrer, je me suis fais une petite réputation entre les femmes trompées, les disparitions ou les affaires de meurtres non élucidés.
Avec toute la gratitude que j’avais envers Alpha, je me suis quand même vite cassé de chez lui pour mon propre appartement en plein Manhattan.
J’étais passé d’une vie de militaire à une vie de civil et cela sans préavis, mais ce n’était pas si mal.
Il n’y a rien à déclaré de bien spectaculaire pendant près de deux ans, j’avais atteint mes vingt-quatre ans sans embuche ou mort délirante et j’espérais que cela ne se produise plus.
Mais encore une fois, j’aurai dû me t aire… ou pas. J’ai reçu une requête lambda d’une femme qui pensait que son mari la trompait car il rentrait à des heures impossibles. Cette enquête allait m’apporter une petite somme et ne paraissait pas bien compliquée, alors j’ai accepté sans rechigner.
John Scotwill, avocat pour la défense, quarante-neuf ans, marié.
La filature débuta le lendemain soir, après que sa femme m’est envoyé un message disant que son mari était retenu par une « affaire » et ne serait rentré que très tard. Ce même soir, je me suis rendu au travail de cet homme.
L’idée que ma vie change de part cette affaire ne m’aurait jamais traversé l’esprit quand j’ai tourné les clefs et que ma voiture ait démarré pour suivre John.
Bordel, il m’avait quand même fait traverser la moitié de la ville avant de se rendre à son rendez-vous « d’affaire ». Vous saviez vous, que les avocats se rendaient dans des bars louches pour leurs affaires ? Le fait qu’il trompe sa femme paraissait évident maintenant. Il me fallait juste les preuves qui concorderait avec ce que j’allais annoncer à son (ex)épouse.
Donc par suite logique, j’ai suivit l’avocat dans son bar.
Et là, bam, le choc, après un simple rideau de fils rouges se trouvait des choses qui ne plaisent pas à tous. L’espace d’une seconde, j’ai cru que j’allais ressortir de cet endroit. Des corps qui se déhanchaient à moitié nu, des longues barres en fer mais surtout la présence exclusive d’âmes masculines.
Ok, les boites de striptease ne me sont pas inconnues vu qu’il s’agit d’un des lieux de prédilections des maris infidèles. Mais les boites de striptease gay, alors ça, on ne me la jamais faite. C’est madame Scotwill qui avait été sacrément surprise lorsque j’avais dû lui expliquer que oui, son mari était allé voir ailleurs ET qu’il avait changé de bord. Avant ça, j’ai dû quand même entrer dans ce bar. Directement au comptoir en évitant les mains baladeuses, ce qui n’a pas toujours marché...
Donc, une fois bien installé et M. Scotwill dans le cadrage de mon téléphone, j’ai pu me poser tranquillement et attendre qu’un homme veuille bien... enfin voilà. Profiter de la situation me paraissait un peu délicat en connaissant mes penchants.
Mais nom de dieu, qu’est ce que mon instinct est merdique sur certain coups.
Tranquillement entrain de boire une bière, c’est typique des allemands, je sais, j’ai entendu un mec qui hurlait à moitié dans le micro et qui annonçait le show du cowboy. J’imaginais déjà le mec tout en cuir et à l’air totalement stupide qui se foutait à poil pour les mirettes des vieux pervers de ce bar.
Vu que la scène se trouvait derrière moi, je m’étais tourné pour apercevoir ce qui allait ce passer et m’amuser un peu, tant qu’à faire. J’avais le goulot de la bouteille contre mes lèvres, fais chier, en voyant ce mec arriver vers la barre, j’ai perdu la moitié de ma consommation en m’étouffant avec.
Je ne sais pas ce que j’ai ressenti à ce moment là, quand ses yeux se sont accrochés aux miens, quand j’ai vu son corps commencer à se mouvoir contre cette barre et ses vêtements tomber un à un. Je vous jure qu’en entrant dans ce bar, je n’étais pas gay. En y entrant...
C’est comme si toutes les années que j’avais vécu jusqu’à maintenant n’étaient plus qu’un vague souvenir. Mais je ne voulais pas me faire d’idées, ce genre de chose pour moi... je n’y croyais plus depuis longtemps, à part les coups d’un soir.
Enfin bref, j’ai pris mes photos et je suis parti sans me retourner. Je n’avais qu’à oublier tout ça, on ne va pas la jouer à la vieille romance homosexuelle, ça serait trop gros... mais si, c’est ce qui s’est passé.
Le soir d’après, je suis revenu, non parce que j’avais une affaire en cours, mais parce que j’en avais envie. Et comme un con, j’avais laissé ce petit manège continuer pendant une semaine, jusqu’à ce que tout dérape.
Il est venu, on a couché, on s’est marié. Et pour l’instant, ça fait quatre ans que je vis un rêve éveillé. Je me rends bien compte que je ne suis pas quelqu’un de très démonstratif dans mes sentiments ou quoi que ce soit, mais ça ne change rien à ce que je ressens.
Je ne lui ai quasiment jamais rien raconté de ma vie d’avant, de la mort de ma famille et ce genre de petites emmerdes que j’ai eu. Nous vivons très bien ainsi et je n’échangerai cette vie pour rien au monde.
Si je ne lui dis pas tout ça, c’est parce qu’il risquerait de prendre la grosse tête. La première fois que lui ai dit que je l’aimais, j’ai cru qu’il allait faire un trou dans le plafond tellement il était heureux.
Et c’est quatre ans après notre mariage que nous sommes arrivés ici, à Grayson. Je me demande si cela a vraiment été une bonne idée mais comme toujours, je ne regrette rien.
Je ne suis plus seul.