THERE IS A MONSTER IN HER HEAD

Elle avance lentement, titubant d'avant en arrière, victime d'un équilibre bancale à la chaîne. Elle atteint finalement l'évier et vomit le dîner en entier. Quand l'acidité lui lapide la trachée, elle gémit, incapable de retenir la bile qui remonte. Ses muscles vibrent sous le poids de la fatigue, ils commencent à trembler faute de pouvoir répliquer. Elle relève péniblement la tête pour attraper un chiffon quand le reflet de la vitre lui parvient de plein fouet. « Oh putain ». C'est pire que ce qu'elle avait imaginé. Pire qu'hier. C'est la réalité qui la rattrape et la frappe pour mieux lui rappeler ce qui l'attaque. Ce mal qui allonge la donne, dévorant la lueur de vie qui avait l'habitude de l'habiter. Aujourd'hui c'est une loque. Et demain ? Y'en aura un ? Elle ferme les paupières pour oublier ce qui la crève. Pour oublier la guerre arpentant chaque recoin qui lui appartient. Elle aurait aimé une autre fin. Une fin digne de l'être.

Elle abat le poing contre la fenêtre. Elle frappe encore et encore, avec la rage d'une aliéné. La colère d'une révoltée. La force d'une condamnée. Condamnée, que ce mot lui paraît vrai. Brutal. Elle voudrait le détruire, le brûler. Lui ôter la définition qui l'accapare. Pourquoi faire ? Elle mourra de toute manière, emportée par la maladie. Ou peut-être qu'elle en finira avant.

L'air lui manque, elle étouffe de l'intérieur, comme un pic au cœur. Est-ce la peur ? La panique ? Elle en a fini de paniquer, de croire qu'elle pouvait le combattre. Elle a fini par accepter ce qui devait arriver. Mais cette douleur lancinante qui la tue, cette douleur qui l’anéantit, c'est de la torture. C'est l'enfer qui vient chuchoter, qui veut la tourmenter. Il lui rappelle ce qu'elle a perdu, ce bonheur fragile dépouillé en un fragment. Elle aimerait courir et hurler au froid glacial de cette nuit, elle aimerait lui dire de l'emporter. De l'achever plutôt que de la mortifier. Mais quelque chose l'en empêche. Une entité morbide qui évince cette manœuvre. Qui tente de perdurer. D'exister. Une force qu'elle ne peut comprendre, ni corrompre. Qui lui fait relever la tête et avancer. Pourquoi tant d'acharnement pour ce dénouement ? Pourquoi ?

Elle entend chaque battement de son cœur résonner. La menacer de gronder et de révéler ce qu'elle tente de cacher en public. Graam doit continuer d'ignorer le mal qui l'habite. Et ce n'est pas une option. Elle ne peut échouer, l'abandonner comme ça. Elle ne peut capituler, renoncer. Demain elle l'aidera. Demain elle partira à la recherche de la vérité. Peu importe la forme qu'elle prendra. Ce qu'elle révèlera. De toute façon elle ne craint ni la mort, ni le tourment. Elle vit avec, en cette cohabitation imparfaite. Parce qu'il y a un monstre dans sa tête.